Alors que la chasse au téléchargement illégal sur les réseaux p2p est ouverte dans bon nombre de pays, depuis quelques années, le système juridique espagnol a pris le chemin inverse. Une position de nouveau confirmée la semaine dernière par une décision du tribunal correctionnel de Pamplune. Ce dernier a rejeté une plainte déposée contre un homme qui avait téléchargé et mis à disposition sur Internet 3322 films protégés par le droit d’auteur. Le juge a reconnu que l’internaute avait bien téléchargé les fichiers « sans le consentement des détenteurs des droits d’auteur » entre 2003 et 2004. Mais il a estimé qu’il n’était pas coupable de contrefaçon à partir du moment où il l’avait fait pour « un usage privé ou le partager avec d’autres utilisateurs d’Internet ». Le requérant n’ayant pas réussir à fournir des preuves démontrant que l’accusé avait tiré quelconque avantage économique de cette pratique. Cette décision s’appuie sur une jurisprudence de novembre 2006. Un magistrat avait alors estimé que télécharger et partager de la musique sur Internet n’était pas illicite tant que cela est réalisé à des fins personnelles, et donc sans but lucratif. Le téléchargement est depuis considéré comme un droit à la copie privée, comme prévu dans l’article 31 de la propriété intellectuelle. En échange, les espagnols payent une taxe sur un ensemble de supports (CD, DVD, téléphones portables, etc.). Toujours selon la justice espagnole, les sites proposant des liens torrent (eDonkey, BitTorrent, etc.) sont légaux, et les fournisseurs d’accès Internet ne sont pas obligés de fournir aux ayants droit des informations sur leurs clients présumés coupables de contrefaçon. Une position qui n’est pas du goût de tout le monde. A commencer par les maisons de disque. Même si, selon le SNEP, l’Espagne est l’un des pays au monde où la vente des disques a le moins baissé ces dernières années. Le gouvernement est, lui, tiraillé. En novembre dernier, il lançait une campagne « Si eres legal, eres legal » contre la pratique du téléchargement d’œuvres protégées. Le tollé est immédiat. Et l’Association des Utilisateurs d’Internet de déposer alors plainte contre le gouvernement Espagnol. Dans une lettre au ministre espagnol de la culture, elle lui demandait d’arrêter cette « manipulation de l’opinion publique pour le bénéfice d’intérêts privés ». Mais la question est devenue mondiale. Dans l’édition 2009 du Special 301 Report, un rapport annuel sur la propriété intellectuelle, les Etats-Unis ont vivement critiqué le statut quo du gouvernement espagnol (pdf), « inacceptable ». Ils invitent l’Espagne à prendre rapidement des mesures. Notamment à supprimer la jurisprudence de 2006, et à aboutir à la « mise en place effective et immédiate » d’un système de riposte graduée. Le 1er juin dernier, le leader de l’opposition, et chef du Parti Populaire, Mariano Rajoy, a déclaré qu’il engagerait une action en justice si le gouvernement mettait en œuvre le système des « trois avertissements de Nicolas Sarkozy », et notamment la coupure de l’accès à Internet via une décision administrative.
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