Le coup de gueule de Dailymotion contre NKMEXCLUSIF - Dans une lettre à la secrétaire d'Etat à l'Economie numérique, dont lefigaro.fr s'est procuré une copie, la plateforme française de vidéos lui reproche de laisser un «courant de pensée anti-Internet» se développer dans la majorité. NKM se défend.
«Madame la ministre, chère Nathalie». Ainsi commence la lettre musclée envoyée le 24 février à Nathalie Kosciusko-Morizet («NKM») par Martin Rogard et Guiseppe di Martino, respectivement directeur France et directeur juridique de Dailymotion, plateforme française de vidéos et numéro deux mondiale derrière YouTube.
Les deux entrepreneurs prennent la plume pour dénoncer «l'absence de communication» de la secrétaire d'Etat suite à la proposition émise fin février par le député Frédéric Lefèbvre de créer une commission d'enquête sur les plateformes vidéo. Une proposition qui répondait aux accusations du réalisateur Luc Besson contre une autre plateforme bien plus petite, BeeMotion, qui diffusait illégalement ses films.
«Tu as une idée, je la taxe, je te régule !»
Pour Martin Rogard et Guiseppe di Martino, en ne corrigeant pas l'initiative de Frédéric Lefèbvre, NKM a laissé un «courant de pensée anti-Internet prospérer», sans donner «une image de notre industrie plus proche de la réalité». Des accusations que les net-entrepreneurs (des fournisseurs d'accès aux patrons de start-up) reprennent de plus en plus souvent.
Les deux dirigeants de Dailymotion vont plus loin : «Ces temps-ci, il est facile de résumer l'atmosphère dans laquelle nous évoluons en France, à la différence de ce que peut connaître notre société dans le cadre de son expansion à l'étranger […] : tu as une idée, je la taxe, je te régule ! Vous créez, je taxe, nous vous régulons ! C'est cela la «grammaire des affaires» ? Pour nous entrepreneurs du Net, c'est là une conjugaison bien malheureuse, déconnectée du temps numérique, celui des nouvelles générations».
Des accusations qui font référence entre autres à la loi Hadopi sur le téléchargement illégal. Outre la répression plus active du téléchargement via les logiciels de peer-to-peer comme eMule ou les différents logiciels utilisant le protocole Bittorrent, la question des sites proposant des vidéos directement visionnables en ligne a été posée et une commission chargée d'étudier la question d'ici l'été. Dailymotion, avec 900 millions de visionnages sur sa plateforme, est concerné au premier chef.
De quoi inquiéter un secteur lui aussi touché par la crise. «Alors que les Etats-Unis cherchent des solutions pour aider les PME du secteur, en France nous en sommes toujours à parler de légalité, de droits d'auteur et à diaboliser Internet», explique Martin Rogard au figaro.fr.
Mercredi soir, la secrétaire d'Etat a rejeté les critiques de Dailymotion et accusé Martin Rogard d'être «le moins bien placé» pour «dénoncer un soi-disant silence» de sa part. NKM dit l'avoir rencontré «à plusieurs reprises» et considère que la démarche de ce dernier est motivée par «des raisons professionnelles et personnelles». «A l'heure où Internet est trop souvent et injustement mis en cause, comme un havre de brigands et de criminels, ou comme le responsable de toutes les faillites, les défenseurs d'Internet, de son bon usage, comme moi et, j'en suis sure, comme Martin Rogard, feraient bien mieux de s'unir, plutôt que de polémiquer, on se demande bien pour le bénéfice de qui», conclut NKM.
Nadine Morano, «une plainte pour intimider» ?
Au-delà, l'industrie du web en France est lassée de faire les frais de cette «pensée anti-Internet». Après Frédéric Lefèbvre, c'est ainsi Nadine Morano qui a porté plainte contre Dailymotion suite à des commentaires insultants laissés par des anonymes sur des vidéos de la ministre de la Famille.
Martin Rogard estime lui que «ce n'est pas une plainte contre Dailymotion, mais contre des internautes dont la justice veut les adresses IP». Et de s'interroger : «Cette affaire comporte un caractère bizarre. Quelle est la stratégie de la ministre (Nadine Morano, NDLR) derrière cette action qui implique la police ? Est-ce pour faire de l'intimidation ? Il aurait pourtant suffi d'un simple mail du ministère, plutôt qu'un déballage public, et les propos injurieux auraient été retirés comme cela se passe toujours pour ce type de faits».